Le point sur les affaires judiciares en France

Alain Gauthier
31/03/2007

Alain Gauthier

Depuis bientôt treize ans, des plaintes ont été déposées en France à l’encontre de génocidaires présents sur le sol français. Malgré les nombreuses déclarations des responsables politiques de notre pays, les choses n’ont pas vraiment évolué. La dernière en date, en ce qui concerne le CPCR, est celle du Garde des Sceaux, monsieur Pascal Clément qui, le 5 mai 2006, n’hésitait à écrire : « Je tiens à vous assurer que la volonté du Gouvernement français est de voir ces procédures aboutir à la manifestation de la vérité. »

Cela reste toujours à prouver.

Depuis le 13 septembre 2001, les tribunaux auprès desquels des plaintes ont été déposées ont été dessaisis au profit du Tribunal de Grande Instance de Paris, dans la mesure où le juge d’Instruction parisien de l’époque avait déjà été saisi, depuis 1999, d’une information ouverte contre l’abbé Wenceslas Munyeshyaka. Plusieurs juges se sont succédés et actuellement, deux juges d’instruction parisiens sont en charge des dossiers : Madame Pous, doyenne des Juges d’Instruction parisiens, et Madame Ganascia.

Les plaintes en cours

Wenceslas Munyeshyaka : prêtre de la Sainte Famille à Kigali, actuellement dans le diocèse d’Evreux. C’est contre lui que les premières plaintes ont été déposées et c’est à propos de ce dossier que la Cour Européenne des Droits de l’Homme a condamné la France pour « retard apporté à rendre la justice ».

L’abbé Munyeshyaka a été condamné récemment par un Tribunal militaire rwandais à la réclusion à perpétuité, son dossier ayant été joint à celui de Laurent Munyakasi. La justice française pourra-t-elle encore le juger ?

Laurent Bucyibaruta : ex-préfet de Gikongoro, au Rwanda : actuellement en résidence dans la région de Troyes, son dossier est suivi par Mme Ganascia qui n’a pas encore fini de dépouiller les documents reçus du TPIR.

Sosthène Munyemana : médecin gynécologue, directeur du Centre de Santé de Butare pendant le génocide, en résidence à Talence. Munyemana n’a pas été mis en examen mais est simplement considéré pour l’instant comme témoin assisté. Mme Pous a reçu récemment le président du CPCR pour être entendu dans cette affaire.

Les colonels Laurent Seruguba et Cyprien Kayumba sont aussi poursuivis devant la justice française, mais ces dossiers semblent actuellement en sommeil.

Dans ces affaires, se sont portés parties civiles des plaignants individuels et/ou des associations telles que la FIDH, Survie, la Communauté Rwandaise de France et le CPCR (Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda).

Agathe Kanzinga : une plainte a été déposée le 13 février 2007 par le CPCR contre la veuve du président Habyarimana. Le tribunal d’Évry ne s’est toujours pas prononcé à l’heure où nous écrivons.

Une trentaine de plaintes ont aussi été déposées par le CPCR et des ressortissants rwandais à l’encontre d’un présumé génocidaire, mais le Tribunal concerné s’est déclaré incompétent (et cela nous choque considérablement) sous prétexte qu’il n’a pas été retrouvé à l’adresse que nous avions communiquée. Affaire à suivre.

D’autres plaintes sont en préparation et seront déposées prochainement, ce qui ne réjouit pas spécialement les juges d’instruction qui se sentent déjà débordés par les dossiers en cours. La solution serait que ces derniers soient déchargés de tous les autres dossiers dont ils ont la charge afin de se consacrer uniquement aux affaires concernant le génocide perpétré au Rwanda. Une démarche sera faite en ce sens auprès du Ministre de la Justice.

Plusieurs personnes accusent injustement les associations qui s’occupent des dossiers, leur reprochant leur inefficacité. C’est mal connaître la complexité des démarches qui sont faites et le travail inlassable de ceux qui ont choisi de suivre ces affaires. Les obstacles politiques sont nombreux, les lenteurs de la justice connues de tous, surtout en ce qui concerne des faits qui se sont passés loin de France. D’autre part, les mauvaises relations entre la France et le Rwanda, et depuis quelques mois l’absence de relations diplomatiques, ne font que compliquer les choses. Cela ne devrait pourtant pas empêcher les justices des deux pays de coopérer. C’est ce à quoi nous nous employons. Les victimes doivent enfin savoir que nous continuerons à nous battre pour que justice leur soit rendue : le crime de génocide est un crime imprescriptible.

Alain Gauthier, président du CPCR.

Alain Gauthier est le président du Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda. Il fait chaque année pour la revue La Nuit rwandaise un point sur les affaires judiciaires, en France, touchant des (...)
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 31/03/2007